samedi 25 juin 2011

Columbo est mort

Il y a, du côté de Los Angeles, une vieille Peugeot 403 décapotable grise d'occasion à vendre. Son conducteur, l'inspecteur Columbo, n'est plus. C'est dans l'imperméable mastic froissé de ce policier hors norme que Peter Falk restera au cœur des mémoires, avec ses enquêtes tenaces où d'infimes détails lui permettaient de ruiner les alibis les plus savants et d'expliciter les meurtres les plus sophistiqués. Et il ne faut pas se désoler de voir ce grand comédien passer d'abord à la postérité pour une série télévisée, car c'est d'art et d'intelligence qu'il s'agit ici. 
Certes, la carrière de Falk au cinéma mérite aussi l'honneur des dictionnaires: soldat désabusé dans The Big red one, de Samuel Fuller, il fut aussi le sublime confident des anges dans Les ailes du désir, de Wim Wenders, où il jouait son propre personnage sur le terrain vague d'Anhalter Bahnhof, à Berlin, auprès d'une camionnette vendant des Kurriwurst locales -un Berlin d'avant la réunification qui n'existe plus, une lumière de noir et blanc qu'on voit de moins en moins, une façon de jouer sans bouger ni ciller qui est inimitable.  
Véloce et volubile, violent s'il le fallait, Peter Falk sut l'être devant la caméra de John Cassavetes. Dans Une femme sous influence, de longs plans séquences prouvent à quel point cet acteur forgé au théâtre maîtrisait tous les codes du jeu. 
Columbo, c'est l'intelligence contre l'intelligence
Mais c'est Columbo qui dominera les souvenirs, parce que la télévision a dominé la fin du XXè siècle, parce que l'universalité du feuilleton policier domine la subjectivité du film psychologique et parce que le Falk de Columbo domine par une fusion parfaite avec son personnage le Falk de la scène et du grand écran. 
Columbo, c'est l'intelligence. Avec ses cellules grises et sans tirer un seul coup de feu, il débrouille les énigmes les plus ardues, dont le téléspectateur connaît les entrelacs, puisque le début de chaque épisode est l'exécution du meurtre, toujours prémédité, toujours savant.  
Columbo, c'est l'intelligence contre l'intelligence, puisque tous les meurtriers sont de redoutables cerveaux. De l'écart entre leur génie du mal et la balourdise apparente de l'inspecteur, naît le rapport improbable entre le policier et le suspect, le chasseur et sa proie. Politesse méprisante du second pour le premier, puis agacement, habilement cultivé par Columbo pour pousser le coupable à la faute, enfin admiration soulagée du meurtrier confondu pour le talent de l'enquêteur, qui exprime en retour une vraie compassion.  
Columbo, c'est de l'art
Peu de menottes, pas de tentative de fuite: la démonstration de Columbo vaut tous les filets, il prouve quand il accuse, on ne voit jamais un procès parce que c'est une formalité de juger avec de telles évidences et des aveux aussi résignés. 
C'est cela que des centaines de millions de gens ont aimé dans Columbo, ce concours d'intelligences, ces meurtres parfaits élucidés par une intelligence plus que parfaite. C'est cela aussi qui a poussé de nombreux grands acteurs, tels Robert Conrad ou Patrick McGoohan, et d'importants réalisateurs, comme Steven Spielberg, à participer à la saga. Columbo, c'était de l'art.
Si la cause du décès n’a toujours pas été précisée, il était de notoriété publique que Peter Falk souffrait de la maladie d’Alzheimer depuis plusieurs années. L’acteur américain avait d’ailleurs été placé sous curatelle de sa femme, pour le "protéger d’influences néfastes" selon les dires de Catherine Falk, une de ses filles.
Peter Falk est décédé,ce jeudi 23 Juin 2011 au soir,à l'âge de 83 ans dans sa villa de Beverly Hills.

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