« Amani Goma ! » scande une foule compacte. En swahili, « amani » signifie « paix » et à Goma, cet appel raisonne. L’est de la République démocratique du Congo (RDC) va un peu mieux, et mérite mieux que la violence à répétition. C’est en tout cas le message que voulaient faire passer les organisateurs de la deuxième édition du festival Amani qui a rassemblé le week-end dernier près de 30 000 personnes à Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu.Les Gomatraciens ont pu découvrir pour la première fois le Malien Habib Koité et l’Ivoirien Tiken Jah Fakoly mais aussi revoir Bill Clinton Kalonji, ambianceur kinois renommé dans toute la RDC, et écouter une sélection d’artistes locaux et régionaux. Des tambourinaires burundais et des danseurs Intore rwandais, ainsi que Mani Martin de Kigali et Lion Story, le groupe phare du reggae burundais maintenant exilé en Ouganda, étaient également de la partie.
Un festival qui relève de la folie et de la détermination
Un choix délibéré de la part des organisateurs qui voient la musique comme un moyen de rassembler les peuples et les ethnies d’une région qui a été divisée par des décennies de conflit et d’instabilité. « S’il y a un festival pour la paix, alors nous devons en faire partie », explique Roméo, le guitariste de Lion Story.
Même message du côté de Mani Martin qui revenait pour la deuxième année consécutive : « Je suis là par attachement à la région, comme combattant de la paix. Ce qui attaque les Kivus attaque aussi le Rwanda ». Le message du Rwandais, qui a chanté l’hymne national congolais en kinyarwanda, a été parfaitement entendu par le public qui l’a ovationné à plusieurs reprises. Avec le local Mayaya Santa, Lion Story, et bien entendu Tiken Jah Fakoly, le festival avait un fort accent reggae cette année
Les adeptes du mouvement rasta de la région s’étaient donné rendez-vous pour la fête. Ils ont été accompagnés par un public composé de Congolais mais aussi de quelques expatriés et de Burundais et de Rwandais attirés par un festival qui progressivement s’impose dans l’agenda culturel de la région.
Fidèle à sa réputation, Bill Clinton Kalonji a fait bouger le public du stade Mwenga le vendredi, tout en s’autorisant un passage sur scène le samedi pour apprendre à Habib Koité quelques rudiments de danse congolaise. Il est revenu devant son public dimanche, avec le rappeur kinois Lexxus Legal, à l’invitation de Tiken Jah Fakoly qui venait tout juste d’électriser un stade absolument comble.
L’organisation du festival Amani tient d’un mélange de folie et de détermination. La philosophie est différente du méga-concert d’Akon, organisé par Peace One Day avec la présence de Jude Law et les millions de Warren Buffet, en septembre dernier. Au cœur du festival, il y a le travail du Foyer culturel de Goma qui forme les jeunes à la musique depuis plusieurs années, et une équipe de quelques Européens rassemblés autour de Guillaume Baguma et d’Eric de Lamotte, un entrepreneur belge tombé amoureux de la région à la fin des années 1980.La première édition du festival en 2013 avait du être reporté suite aux combats avec les rebelles du M-23. La deuxième édition – malgré un soutien plus important des sponsors, en première ligne Heineken, TMB Bank, et l’ambassade des États-Unis – n’a pas manqué de difficulté, depuis l’acheminement du matériel (il manquait toujours 200 barrières de sécurité au matin du premier jour) à l’organisation d’une sécurité voulue sans armes létales sur le site, et en passant la difficulté de retransmettre les festivités en direct quand YouTube reste bloqué.
Signe des temps qui changent, beaucoup de festivaliers sont rentrés chez eux alors que le soleil se couchait déjà. Daniel, qui avait marché 14 kilomètres pour assister à la journée de dimanche, raconte : « La paix, c’est quand on peut se déplacer d’un endroit à l’autre sans tracasserie. Hier, quand les gens sont rentrés à la fin du festival à 18 heures, il n’y a eu aucun incident de sécurité, sauf peut-être des cas isolés »
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