Après avoir affirmé que de « nombreuses lignes rouges » avaient été dépassées mardi par une attaque chimique imputée au régime syrien, Donald Trump a mis ses actes en conformité avec ses paroles. Au risque de ressouder le bloc russo-syrien.
Donald Trump ou l'anti-Barack Obama. Trois jours à peine après l'attaque chimique contre Khan Cheikhoun qui a tué au moins 80 civils - dont 27 enfants - le président américain a ordonné les premières frappes depuis le début du conflit en 2011 en Syrie. Mais celui que l'on décrivait comme un président isolationniste a pris soin de prévenir la Russie, l'alliée du régime de Bachar el-Assad, et le Pentagone a également précisé qu'il s'agissait d'une «frappe ciblée» qui n'annonce pas forcément le début d'une campagne militaire américaine en Syrie.
Après avoir affirmé que de «nombreuses lignes rouges» avaient été dépassées par cette attaque chimique imputée au régime syrien, Donald Trump a mis ses actes en conformité avec ses paroles. La cible visée est l'aéroport militaire de Shayrat près de Homs d'où seraient partis les avions syriens responsables de l'attaque chimique. Il y aurait des morts parmi l'armée de Bachar el-Assad. Mais pas autant que lors d'une précédente attaque américaine - «une bavure» selon Washington - en septembre dernier qui avait tué plus de 70 soldats loyalistes près de Der ez-Zor.
À Damas, la télévision d'état a qualifié ces tirs de 59 missiles de croisière «d'agression». L'opposition syrienne de son côté s'est félicitée de ce virage américain, appelant à la poursuite des bombardements américains contre le pouvoir syrien. Il n'est pas sûr toutefois qu'elle soit entendue. Riposter ponctuellement à une attaque chimique pour «punir» ses auteurs est une chose. Se lancer dans une aventure militaire dans le bourbier syrien en est une autre. Quel serait les objectifs d'une guerre? Renverser rapidement Bachar el-Assad? Les États-Unis y restent hostiles, tout en affirmant qu'il devra partir à l'issue d'une transition politique. Ces dernières heures, les porte-parole américains ont d'ailleurs répété que leur priorité à court terme restait l'éradication de Daech, toujours solidement implanté à Raqqa et dans plusieurs autres villes de l'est syrien.
Dans l'immédiat, cette frappe risque de ruiner les efforts pour arriver à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant Damas pour le crime commis mardi matin à Khan Cheikhoun. Mais les Russes de toute façon y étaient opposés. Cette frappe devait intervenir rapidement, avant notamment le déplacement du secrétaire d'Etat Rex Tillerson à Moscou en milieu de semaine prochaine.
En se lançant dans une opération militaire d'envergure en Syrie - certains réclament carrément de clouer au sol l'aviation syrienne -, les Etats-Unis prendraient le risque de se heurter - cette fois - frontalement à la Russie, qui a installé des systèmes de défense anti-aérienne (S-400 et S-300). Or Washington a besoin de Moscou pour continuer d'avancer dans l'est syrien où un millier de conseillers militaires américains sont déployés au côté des miliciens kurdes en vue de reprendre Raqqa. Ce sont autant de cibles potentielles en cas d'escalade de la violence. Et puis, il n'y a pas que des soldats russes sur les bases aériennes syriennes, des Iraniens y sont positionnés. Avec le risque en cas de victimes iraniennes que Téhéran riposte, selon un mode d'action qui lui est coutumier: la riposte asymétrique contre des cibles américaines en Syrie ou ailleurs.
S'engager profondément en Syrie, c'est aussi prendre le risque de ressouder le bloc russo-syrien, que l'attaque chimique de mardi a mis à mal. Même si Moscou a officiellement couvert Damas, la colère doit être grande parmi les hauts gradés russes sur le terrain en Syrie, alors que la position diplomatique de leur allié Assad n'avait jamais été aussi favorable, quelques jours après les déclarations de Washington qui ne faisait plus de son départ «une priorité». Mais l'avertissement de ce matin, ajouté à l'horreur du crime de Khan Cheikhoun, montre bien que cette hypothèse se rapproche aux yeux des Etats-Unis, et probablement de Moscou.
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